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Tutelles et Partenaires
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CADAU
Conception d’une méthode d’Aide à la Décision Argumentative pour l’aménagement Urbain
Dates/périodes
janvier 2017 – décembre 2020
Cadre / Contexte
L’aménagement urbain est un enjeu majeur pour toutes les villes. Les projets d’aménagement doivent à la fois tirer parti de l’existant et inventer la ville de demain. Confronté aux enjeux démographiques, énergétiques, écologiques, sociologiques et économiques, l’aménagement de la ville doit répondre au défi du développement durable. Chaque projet d’aménagement est porteur d’enjeux sociaux (créer du lien social, assurer un bon cadre de vie pour les habitants, etc.), économiques (limiter le coût d’investissement pour la commune, limiter les charges pour les résidents, etc.) et environnementaux (limiter les consommations énergétiques, limiter l’impact sur la faune, etc.) induisant des objectifs contradictoires qu’il faut pourtant concilier. Face au besoin d’aménagement d’un quartier ou d’une parcelle, il est possible d’envisager un très grand nombre de projets différents. Il peut alors se révéler complexe pour un décideur public de retenir le projet d’aménagement le plus pertinent. Cette notion même de pertinence est source d’ambiguïté puisqu’elle ne peut se définir qu’en regard d’un compromis entre les différents enjeux du projet et entre les points de vue des différents acteurs, qu’ils soient pouvoir public, entreprise ou habitant du quartier. Se placer dans une logique de développement durable, implique de considérer les dimensions économiques, sociales et environnementales à moyen et à long termes. Or cela induit de rentrer dans une logique multicritère et de pouvoir y considérer les incertitudes ; plus le temps d’analyse retenu sera long, plus les incertitudes seront nombreuses. De plus, le développement durable induit une autre dimension, celle de la gouvernance : un aménagement durable ne peut se faire qu’en concertation avec les différents acteurs liés à la décision, avec idéalement l’élaboration d’un consensus.
Pour répondre aux enjeux de l’aménagement durable, nous proposons au travers de ce projet, de concevoir une méthode d’aide à la décision permettant au(x) décideur(s) public(s) de modéliser sous une perspective « développement durable » les différents projets d’aménagement possibles, de questionner leur intérêt et de les comparer. L’objet est de pouvoir décider d’une politique d’aménagement durable de la ville.
Les difficultés de la conception d’une telle approche proviennent de différentes sources. Tout d’abord, les décisions portent sur plusieurs critères et de nombreux acteurs sont impliqués à des degrés divers dans les décisions publiques d’aménagement de la ville. Au premier plan se placent des décideurs politiques, mais on trouve aussi les techniciens et responsables techniques, les services administratifs, les utilisateurs, les riverains et les autres habitants de la ville. Chaque acteur a ses propres objectifs, ses propres valeurs, ses propres préférences et sa propre façon de voir le problème et les enjeux liés à l’aménagement. L’intégration des multiples points de vue et de leur incidence sur la décision, est ainsi un enjeu majeur des problèmes d’aménagement. Une autre difficulté concerne les incertitudes. Se placer dans une perspective de développement durable impose de considérer le projet sur toute sa durée de vie, depuis sa conception jusqu’à la fin de vie de l’ouvrage. Les conséquences à court terme d’une décision sont déjà soumises à des incertitudes non négligeables (coût de la construction, impact des travaux sur le voisinage, etc.), mais ce sont surtout les conséquences à long terme qui sont très difficiles à évaluer (impact sur l’attractivité du quartier, gain environnemental à long terme, etc.). Il sera ainsi nécessaire de pouvoir considérer ces incertitudes pour comparer les différents projets.
Pour répondre à ces problèmes, les différents travaux de recherche ont recours à un très grand nombre de solutions qui peuvent se classer en deux approches : l’approche délibérative et l’approche modélisatrice. La première est purement qualitative et fait appel à des logiques participatives. L’enjeu est de permettre aux différents acteurs de converger vers une solution de consensus ; la formalisation est ici proche du langage naturel. Ce sont des approches développées en général dans le domaine de la sociologie. La seconde approche s’appuie sur une formalisation forte. Elle est souvent quantitative et a recours à des méthodes et outils mathématiques. Elle permet d’avoir une procédure reproductible et automatisable. Ces méthodes sont issues des domaines de la gestion, de l’ingénierie, de l’économie, de l’informatique. Malgré la diversité des approches, méthodes et outils déjà proposés pour résoudre les problèmes d’aménagement, aucune solution ne paraît totalement satisfaisante. En effet, aucune ne permet de considérer toute la complexité du problème. Les approches délibératives ne permettent pas de proposer une procédure reproductible, automatisable et que l’on puisse valider scientifiquement ; elles ne donnent des solutions qu’au cas par cas, qui sont parfois difficilement justifiables. Les approches modélisatrices simplifient souvent le problème en ne considérant pas toute sa complexité (un seul décideur, utilisation du seul critère économique, etc.). De plus, elles ne permettent pas, en général, de faire participer les différents acteurs à la décision, conduisant alors à une solution moins bien acceptée.
Financeurs
CNRS PICS
Objectifs
Le projet CADAU propose de recourir à une approche émergeante et innovante, la modélisation argumentative, pour résoudre ce problème décisionnel. L'argumentation est un modèle de raisonnement qui par la construction d'arguments et l'étude de leurs interactions permet de justifier une conclusion (une croyance, un but à atteindre, une décision à prendre, etc.). Dans notre cadre, cette approche vise à mettre en cohérence et en concurrence les arguments des différents partis en faveur ou à l’encontre des projets candidats, afin d’arriver à une solution la plus proche possible du consensus. Le procédé peut être itératif, proposant à chaque étape aux acteurs d’apporter de nouveaux arguments, ou de consolider/discréditer ceux déjà exprimés au travers de relations d’attaque entre arguments. L’intérêt de cette approche est double : elle permet de formaliser les opinions des différents acteurs de façon explicite et elle permet aussi d’être dynamique. A chaque nouvel argument, il est possible de construire un nouvel ensemble d’arguments et de voir son impact sur la décision. Cela permet aux différents acteurs de suivre la construction de la décision et ainsi à chacun de mieux l’accepter. Le processus de décision se fait donc par itérations correspondant aux différentes réunions et rencontres entre les acteurs. A chaque itération, on reproduira le raisonnement argumentatif permettant d’aboutir à une conclusion. Les acteurs peuvent ainsi répondre à un argument avancé par un parti lors d’une précédente réunion, en utilisant un nouvel argument et en voir l’impact sur le processus de décision ; le principe étant que chacun puisse exprimer tous les éléments pouvant peser sur la décision jusqu’à épuisement de ceux-ci. L’approche retenue dans ce projet se veut résolument multicritère, considérant les différents aspects du développement durable. Nous aurons ainsi recours à des modèles d’argumentation permettant de conduire une aide à la décision multicritère. Cependant, la combinaison entre argumentation et décision multicritère est encore un verrou scientifique et peu abordés dans la littérature. Il s’agit donc d’une approche novatrice et prometteuse mais devant faire face à des verrous scientifiques tels que la formalisation d’un modèle conceptuel permettant de relier les deux, la redéfinition de la relation d’attaque entre arguments et la construction de la conclusion dans le paradigme multicritère. De plus, le modèle argumentatif devra permettre de considérer les incertitudes pesant sur les arguments. Or peu de modèle dans la littérature intègre cette dimension ; cela devrait conduire aussi à du développement méthodologique afin d’enrichir les méthodes argumentatives existantes.
Partenaires
Partenaires institutionnels :
- I2M UMR 5295 (Université de Bordeaux) (Porteur)
- Université Laval, Québec, Canada
- IATE UMR 1208 - Ingénierie des Agropolymères et Technologies Émergentes (Université de Montpellier)
Partenaires industriels :
- Bordeaux Métropole
Résultats attendus
Le projet CADAU a une triple ambition : scientifique autour d’une approche innovante, opérationnelle et structurante. Le projet vise à permettre des échanges entre les chercheurs français et québécois autour de l’approche argumentative. Cela devrait conduire à bâtir une expertise forte quant à cette approche et ainsi à donner aux trois laboratoires impliqués une reconnaissance à l’échelle internationale au travers de publications scientifiques et de conférences. D’autre part, le projet vise à proposer une méthode et un outil permettant à des décideurs publics de concevoir des projets d’aménagement concertés. Les expérimentations prévues devraient assurer le caractère opérationnel de la méthode et de l’outil. D’autre part, en renforçant les collaborations entre les laboratoires français et québecois, le projet PICS devrait constituer un socle permettant à l’équipe de recherche de participer à des appels à projet de grande envergure (ADEME, ANR, H2020).
Mise à jour le 25/04/2018
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